750 000 alevins ont échappé aux trafics internationaux

Ces 254 kg d’alevins représentent une valeur de 60 000 à 80 000 euros sur le marché illicite en Europe. Elles auraient pu être revendues à hauteur d’ 1 million d’euros en Chine pour être engraissées. Après engraissement, un kilo d’alevins donnant environ une tonne d’anguilles adultes, ces poissons auraient pu générer de 6 à 7 millions d’euros pour les filières clandestines notamment au Japon, leur principal pays de consommation.

L’action de la douane participe activement à la préservation de cette espèce. On estime, en effet, qu’un kilo de civelles représente entre 2 900 et 3 000 spécimens. Au total, ce sont donc 750 000 alevins qui ont ainsi échappé aux trafics internationaux et qui ont pu être réintroduits dans leur milieu naturel avec l’aide de l’Office Français de la Biodiversité (OFB).

Focus sur les constatations réalisées par les services douaniers

Une saisie de 200,1 kg de civelles

La saisie la plus importante a été réalisée dans la nuit du 19 février par les agents de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) de Paris et la Rochelle. C’est en contrôlant un véhicule utilitaire stationné sur une aire de l’A10, dans le sens Province-Paris, qu’ils ont découvert 52 caisses en polystyrène contenant un total de 200,1 kg des civelles. 12 munitions de calibre 22 long rifle ont également été trouvées à bord. Le chauffeur ne détenant aucun document justifiant le transport de ces marchandises, elles ont été saisies. L’infracteur a été remis au Service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF) à l’issue de la procédure douanière. 

La découverte de 1 138g d'herbe de cannabis et 53 940g de civelles

Le 3 mars, les agents de la DNRED de Nantes et la Rochelle contrôlaient, là encore à la circulation, un homme soupçonné de se livrer au trafic de civelles. Des alevins d'anguilles étaient découverts dans son véhicule, permettant de réaliser en flagrance une visite de son domicile où 21 grammes d'herbe de cannabis étaient découverts. Un second individu y était interpellé en possession de 1 138 g d'herbe de cannabis. Une seconde visite domiciliaire permettait la découverte de 53 940 g de civelles.

La coopération avec l'Office Français de la Biodiversité (OFB) permettait de relâcher dans les meilleurs délais les spécimens dans leur milieu naturel afin de préserver l'espèce. A noter que non loin du vivier où se trouvaient les civelles, les douaniers ont constaté la présence de civelles mortes qui étaient jetées aux poules situées dans un enclos adjacent.

Des éléments en cours de vérification

A noter également des constatations des brigades des douanes de Val de Seine et Cambrai portant sur le transport de civelles, qui ont permis de relever des éléments toujours en cours de vérification par les services douaniers d’enquête.

La DNRED s’est particulièrement investie dans la lutte contre ce trafic en mettant en place dès 2020, au sein de la douane , un groupe de contact spécialisé nommé “Sargasse” réunissant les services douaniers les plus impliqués.

Economie d’une pêche criminelle

Depuis 2009, l’anguille européenne (Anguilla anguilla) est inscrite à l’annexe II de la Convention de Washington et à l’annexe B du Règlement UE 338/97 modifié. Il s’agit d’une espèce endémique européenne, dont 80% de la population est présente en France, essentiellement sur la façade Atlantique. La pêche de ses alevins se déroule de novembre à mars et est extrêmement réglementée : agrément nominatif des pêcheurs et des viviers de stockage, quotas de prélèvement selon la région de pêche, documents d’accompagnement systématiquement exigible pour tout transport et ce, dès la sortie du bateau, déclarations immédiates des quantités pêchées. Surtout, toute exportation hors de l’UE est prohibée à titre absolu.

La douane française,  investie dans la lutte contre les trafics de civelles

La douane française est particulièrement investie dans la lutte contre les trafics de civelles. En France, elle mène des contrôles aussi souvent que possible, conjointement avec l’OFB (Office Français de la Biodiversité), les ULAM (Unités Locales des Affaires Maritimes), les services vétérinaires (services départementaux et Brigade Nationale des Enquêtes Vétérinaires) et la gendarmerie maritime.

L’alevin de cette anguille européenne, aussi appelé civelle ou pibale, fait l’objet d’un trafic intense, essentiellement à destination de la Chine. Le 1er marché final est le Japon, particulièrement friand de la chair de l'anguille, qui souffre de la surexploitation de l'anguilla japonica. La Chine est un marché d'élevage, de viviers d'engraissement, pour revendre ensuite au Japon.

Acheté de 150 à 250 € le kilo aux pêcheurs illicites de la côte atlantique, cet alevin se vendra près de 5 000 € le kilo en Chine où il sera livré dans des élevages, d’où l’appellation parfois utilisée « d’or blanc » pour ces poissons. La civelle anguila anguila, étant interdite à l’exportation hors de l’UE, ne peut parvenir en Chine que grâce à des réseaux de contrebande sophistiqués. Un kilo de civelles va représenter près d’une tonne d’anguilles après élevage en viviers qui vont être revendues environ 25 à 30 € le kilo selon la préparation et le marché (soit 25 000 à 30 000 € la tonne).

Plusieurs enquêtes de long terme prises en charge par la douane notamment (SEJF) permettent de relever de la contrebande puis des exportations illégales utilisant des modes opératoires en lien avec, parfois, des organisations criminelles structurées dans toute l’Europe pour finir en Asie.